Il existe plusieurs manières de définir le sentiment. Pour commencer, il se définit comme étant la faculté de sentir, de percevoir par les sens : une sensation de froid ou de douleur par exemple. En abordant le sujet sous l’angle de la sensation, nous pénétrons dans le domaine de la sensibilité physique davantage que celui de la sensibilité morale ou affective. Ainsi le choc douloureux produit par un coup de poing qu’on reçoit en pleine poitrine est une sensation; celui qu’on éprouve en apprenant soudainement qu’on a été trahi par un ami est un sentiment qui se rapporte à la sensibilité morale d’un individu.
Le sentiment concerne aussi le monde de l’impression. Avoir une impression est synonyme d’avoir le sentiment; par exemple, j’ai le sentiment qu’il me ment. Avoir le sentiment du devoir accompli ou encore avoir le sentiment que justice a été faite amène le sentiment au niveau de l’appréciation que nous avons d’une chose, de quelqu’un ou d’un événement. De cette faculté résultent des idées ou des états moraux propres à déterminer le jugement d’une personne et le code de conduite qu’elle s’impose.
Lorsque rattachons le sentiment à la vie affective, à notre besoin d’aimer et d’être aimé, les plus instables et les plus capricieux que nous avons à gérer se dressent devant nous. Tenant compte de l’état actuel du psychisme de l’homme, le sentiment se développe autour de la reconnaissance inconsciente d’expériences passées. On définit alors le sentiment comme étant la faculté de connaître et d’apprécier certaines choses par l’instinct ou l’intuition.
Où le sentiment puise-t-il cette « connaissance intrinsèque et intuitive » qui, même si elle s’oppose à l’intelligence et à la raison, arrive tout de même à diriger nos pensées? De plus, quel rôle joue le sentiment dans le développement évolutif de la conscience humaine? Ces impressions ne sortent pas du néant, elles sont le produit acquis de notre propre développement évolutif. De vie en vie, tout au long de ce développement nous avons vécu d’innombrables expériences qui ont gravé dans les champs de conscience de l’homme des sillons vibratoires, si l’on peut s’exprimer ainsi. Des traces qui sont propres à chacun et que nous pourrions comparer au phénomène des empreintes digitales, qui, bien que semblables d’une personne à l’autre, font office de signature personnelle. Pour cette raison, on peut dire que le sentiment est l’expression évolutive d’une orientation.
Lorsque nous ressentons successivement passion et émotion, il s’établit un processus de reconnaissance relativement répétitif des mémoires inconscientes du passé qui, pour être équilibré et harmonisé, exige d’être réorienté vers des expériences qui sauront les faire évoluer. En simplifiant, il serait tout aussi juste de voir le sentiment comme une réorientation de nos passions et de nos émotions vers un processus d’expérimentation plus stable, plus équilibré et en mesure de les faire évoluer.
Il faut comprendre que chacun nourrit les sentiments qu’il juge nécessaires à son évolution parce qu’à cette étape de développement tout est encore personnel. Il faut insister sur le fait que la mesure de chacun est différente. Même si les sentiments sont universels, ils sont tout aussi individuels, car personnalisés au besoin d’équilibre de chacun. Si vous croyez que chaque expérience nourrit l’équilibre, c’est une erreur, car elle cause d’abord une disharmonie. C’est à ce point que se fait le choix et cela aussi est individuel. Aussi, le sentiment est-il égoïste d’abord, visant surtout à établir une norme reconnaissable de bien-être qui petit à petit rejoint l’idéal.
Pour atteindre ou maintenir un certain équilibre, il arrive souvent qu’un individu développe des sentiments négatifs. Des sentiments qui parfois persistent tout au long de sa vie. En agissant de la sorte, il met en place un rapport de force entre lui et un environnement qui lui semble hostile, et ce, dans le seul but de maintenir l’équilibre qu’il juge nécessaire pour fonctionner, et ce, même si le processus est généralement inconscient. Ainsi on verra un enfant développer un sentiment de haine pour un père agresseur, et ce, dans le seul but de se protéger des intentions malveillantes de ce dernier. Nous sommes près de la vérité en disant que le sentiment se construit autour de nos besoins, nos manques et la multitude de désirs qui nous habitent.
Je ne m’avancerai pas plus loin dans le développement du sentiment, car mon but premier fut d’établir dans votre esprit les subtiles nuances qui existent entre l’instinct, la passion, l’émotion et le sentiment.
Pour terminer, il peut être intéressant d’analyser ces quatre formes d’énergies inférieures en relation avec leur correspondance supérieure. L’instinct trouve sa correspondance supérieure dans la volonté spirituelle. La volonté spirituelle de l’âme est ce qui assure et guide l’homme vers la Source originelle. L’instinct joue un rôle similaire lorsque l’homme est en incarnation. C’est l’instinct qui donne à l’homme la volonté de vivre dans le monde de la forme et de persister, peu importe les épreuves.
La passion trouve son élément supérieur dans l’aspiration spirituelle. Les deux s’alimentent du désir. Dans le cas de la passion, le désir sert les objectifs de la personnalité, alors que l’aspiration spirituelle est une réponse à la volonté de l’âme.
L’émotion trouve son élément supérieur dans l’intuition. L’émotion est une sollicitation en provenance du monde extérieur qui frappe notre corps sensible et dans laquelle nous reconnaissons un lien. L’intuition est une impression venant du monde de l’âme que l’on capte avec le mental et le cerveau et dans laquelle, nous reconnaissons un lien.
Le sentiment trouve son élément supérieur dans la raison pure. Le sentiment est l’organisation de nos énergies inférieures en recherche d’équilibre et d’harmonisation alors que la raison pure est l’organisation de nos énergies supérieures en un mode d’activité équilibrée et évolutive de la connaissance universelle.
- L’instinct se transforme en volonté spirituelle.
- La passion devient petit à petit de l’aspiration.
- L’émotion finalise son processus dans l’intuition.
- Le sentiment évolue pour devenir « perception spirituelle. »
Pascal St-Denis