Face à son désir d’aimer et d’être aimé, l’être humain opte pour des approches qui provoquent bien souvent son lot de tensions. Habités par un désir persistant de bonheur à tout prix, ils privilégient l’harmonie de leur monde extérieur au détriment de leur paix intérieure. C’est une manière d’agir qui un jour ou l’autre finit par détruire autant l’individu que la relation.
C’est pourquoi plusieurs couples croient que l’amour demande de former une unité, de faire « un ». Pour y parvenir, ils entrent dans le jeu des concessions. Ils éliminent ce qu’ils considèrent des irritants pour ensuite s’en tenir aux exigences mises en place l’un envers l’autre. C’est un peu comme mettre de côté une partie de soi-même. Ils s’imposent cet exercice dans le but, en apparence légitime, de plaire à l’autre, de s’ajuster aux besoins de l’autre et ainsi créer une relation harmonieuse.
Il est rare que cette manière d’agir persiste longtemps. Un jour ou l’autre, chez l’un ou l’autre des conjoints, une tension intérieure se fait sentir. Ils cherchent à comprendre ce qui leur arrive. Ils se sentent coincés et malheureux sans trop en connaitre les raisons. Malgré de légitimes efforts, la rupture semble l’unique solution viable pour sortir de ce qui est devenu un cul-de-sac.
Pourtant ils ont obéi aux principes qui prévalent dans la société lorsqu’il est question de vivre en couple. Cherchant toujours une cause à leurs malaises, ils en viennent à s’accuser mutuellement. Chacun est persuadé d’avoir tant donné à l’autre afin de le rendre heureux. Ce qu’ils n’ont pas encore réalisé, c’est que pour aimer l’autre, ils ont sacrifié une partie d’eux-mêmes.
Vouloir faire l’unité de cette manière, c’est mettre l’accent sur les affinités et les similitudes de l’un et l’autre des partenaires, et ce, bien souvent au détriment de leurs complémentarités, de leurs différences. Dans ce cas, les restrictions et les concessions que les partenaires s’imposent affaiblissent le couple. En sacrifiant une partie d’eux-mêmes, c’est comme s’ils se contentaient d’être la moitié d’une personne. En privilégiant cette approche, ce qui les différencie brise la vision qu’ils se font de l’unité. Il est donc normal qu’ils cherchent à éliminer leur différence (goût, valeurs, principes, but personnel, etc..). Par contre, lorsqu’on met l’accent sur les complémentarités, il en va tout autrement. Au lieu d’essayer d’être « UN », l’expérience prend une autre dimension. Chacun des partenaires demeure lui-même tout en utilisant les acquis et les forces de l’autre pour se réaliser. Au lieu d’avoir l’impression d’être deux demi-personnes en recherche d’unité, ils ont l’impression de doubler leur force.
Le résultat recherché lors d’une expérience de partage est trop souvent compromis par les conditions à remplir, les compromis à faire, les attentes à satisfaire ; tout cela sous l’égide de l’amour. En agissant de cette manière, les facteurs émotionnels des champs de conscience inférieurs confirment leur emprise sur le champ du cœur et maintiennent l’expérience de partage à un haut degré émotionnel. Ils sont initiateurs des facteurs qui favorisent le développement de nos culpabilités, de nos fausses responsabilités, et des nombreuses angoisses qui nous incommode. L’insécurité, la possession et le désir inné de trouver satisfaction dans tout ce que nous entreprenons sont autant de facteurs qui imprègnent nos expériences de partage et qui, lors du déplacement de la conscience vers le champ du cœur, nous obligent à placer le « Je » en arrière-plan pour s’adapter aux besoins de ou des autres.
L’amour de soi est transformateur de soi, il est créateur de soi. L’amour de soi, c’est agir, c’est créer des énergies en soi, c’est développer et exprimer son potentiel. Aimer l’autre, c’est l’aider à faire de même.
Pascal St-Denis